La fenêtre de dix ans pour des batteries avec du nickel, n'est pas obsolète
L'usine du Sud redémarre, désormais sous l'enseigne « Prony Resources New Caledonia », avec l'ambition d'une unique production de nickel hydroxyde cake destiné au marché des batteries pour véhicules électriques. Qu'est-ce que le NHC ? Quels sont les risques ? Explications.
Comment est calculé le prix du NHC, Nickel hydroxyde cake ?
Le prix du NHC dépend de plusieurs facteurs : du cours au LME *, du prix du sulfate de nickel... Car le NHC est vraiment le produit le plus adapté pour faire du sulfate de nickel. Aujourd'hui, pour l'élaborer, nous pouvons soit dissoudre du produit très pur acheté avec un « premium » (bonus, Ndlr) par rapport au LME - mais c'est une perte d'argent de transformer du nickel pur en sulfate de nickel -, soit utiliser ce produit NHC qui est suffisamment raffiné pour s'inscrire parfaitement dans le procédé d'élaboration du sulfate de nickel. Cette année, le prix du NHC est très proche, voire supérieur, au prix de l'oxyde de nickel, selon les cours du LME et de la raréfaction du sulfate de nickel.
Selon des analystes, le prix du NHC se cale entre 70 et 80 % du cours du nickel au LME, est-ce vrai ?
Depuis le début de l'année, nous sommes bien au-dessus de ces valeurs, même des 80 % !
Aujourd'hui, une réalité s'impose : nous avons d'énormes investissements dans les « gigafactories » (usines géantes, Ndlr). Un grand nombre d'entre elles utilise, dans la fabrication des batteries pour véhicules électriques, des cathodes à base de nickel élaboré avec du sulfate de nickel. Nous avons ainsi un marché vraiment porteur. L'utilisation du nickel dans les cathodes constitue l'offre de référence aujourd'hui. Au vu de tous ces éléments, nous estimons que notre produit reste très concurrentiel, et que le prix va être au rendez-vous.
La Nouvelle-Calédonie connaît le marché du ferronickel. Le secteur du NHC est-il lui concurrentiel ?
Quand un marché est très porteur, beaucoup de groupes vont vouloir produire. Et quand le cours du nickel est très haut, beaucoup vont vouloir limiter l'utilisation de ce produit. Tout l'enjeu, dans les prochaines années, va être de garder une place très attractive avec le NHC sur ce marché porteur.
Comment conserver une attractivité ?
En respectant les normes environnementales, le droit du travail, etc. Dans certains pays, la situation est, disons, plus compliquée. De fait, les compagnies automobiles, savent, lors de l'achat, que notre produit est sûr sur ces plans-là. Et les fabricants de ce type de batterie sont soucieux de la manière dont est conçu le NHC.
En outre, l'annonce est désormais officielle, nous avons un partenariat avec Tesla (constructeur automobile américain de voitures électriques, Ndlr). Avec ce partenariat, nous serons « challengés », mis au défi. Tesla nous précisera ses attentes, mais aussi l'évolution du marché. C'est fantastique. Nous avons un véritable partenaire technique, un « coach », afin que notre produit, très prisé aujourd'hui sur le marché, conserve cette attractivité, même si ce marché change. La priorité aujourd'hui pour conserver notre compétitivité est la réduction de nos émissions de CO2.
La cherté du nickel dans la composition des batteries est souvent pointée. D'où une question désormais récurrente : le métal peut-il disparaître de ce marché ?
Le point qui nous permet d'estimer l'éventuelle fin du nickel dans les batteries, est l'installation des « gigafactories » spécialisées dans ce secteur et leur technologie utilisée. Nous voyons que, parmi les projets mis en place ou lancés en 2021 et dans les prochaines années, le nickel est toujours très présent. Aujourd'hui, la technologie de pointe est celle qui utilise le nickel. Même si des procédés concurrents voient le jour et prennent quelques parts de marché, la technologie avec le nickel continue de se perfectionner.
Une situation peut desservir la profession : une flambée du cours du nickel, qui pousserait les groupes à se diversifier. Un cours qui reste raisonnable et qui permet de faire vivre les acteurs du nickel, va encourager les utilisateurs de batteries à continuer à privilégier cette technologie avec le nickel.
Un « cours raisonnable », est-ce entre 16 000 et 20 000 dollars US la tonne ?
Aujourd'hui, c'est un cours avec lequel tous les acteurs peuvent survivre et faire des affaires. Avec un nickel à 20 000 dollars US, des sociétés peuvent faire de bons profits, mais cette conjoncture va favoriser une moindre utilisation du produit et l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché. D'où l'intérêt de notre partenariat avec Trafigura (géant suisse du négoce, NDLR) et Tesla.
Évoquée il y a quelque temps, la fenêtre de dix à quinze ans favorable à l'utilisation du nickel dans les batteries, est-elle toujours valable ?
Cette fenêtre n'est pas obsolète. La technologie est toujours prédominante. Selon les études, pendant de nombreuses années, les batteries utilisant du nickel occupent au moins 65 % du marché.
Lorsqu'on regarde de près les courbes, on s'aperçoit que quelques pourcents ont été grignotés par les batteries sans nickel. Toutefois, vu l'accélération du déploiement des véhicules électriques, la demande en nickel s'est même renforcée, au point où, sauf si des capacités de production de nickel se développent de façon très agressive, on parle d'une pénurie de certains types de nickel - dont le nôtre fait partie - après 2024 ou 2025.
Le colosse chinois Tsingshan, est-ce une crainte ?
Il peut être une crainte mais aussi un « atout ». Une crainte, parce que Tsingshan est un industriel très efficace.
En revanche, le NPI (nickel pig iron, ou fonte brute de nickel, Ndlr) est un produit avec une très forte empreinte carbone, il se disqualifie donc de nombreux marchés au regard de la législation d'États comme ceux de la zone européenne.
Cet acteur va essayer de verdir son produit. Ses annonces vont tendre à empêcher une flambée du cours du nickel, et donc le développement de nouveaux projets. Bref, à nous de vivre avec cette concurrence et de savoir nous adapter.
* London Metal Exchange, place boursière de référence